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DEMON... et merveilles !

DEMON... et merveilles !

"Le MONDE de DEMON quoiqu'il advienne nous appartient ?"

INTERVIEW. Jérémie Mondon alias DEMON s'est fait remarqué en 1999 avec la sortie de Midnight Funk (Small - 20000st), sans doute l'un des albums les plus importants de l'époque. Grâce à des samples astucieusement glissés, des univers éclectiques puisants dans la Soul et le Hip Hop pour accoucher d'une House bien groovy mêlée à des tracks ouateux, l'artiste a ainsi placé la barre très haut à une époque où régnait l'excellence. C'est dire l'exploit artistique réalisé par Demon. Pour mεtאμzik, il a accepté de revenir sur ses débuts et de retracer les grandes lignes de son épopée musicale tendance "Funk de Minuit".

De Jérémie à Demon. DR

Avant de tomber dans la marmite électronique, tu as produit des instrus pour des rappeurs Français. Lesquels ?

J’ai commencé la production par le rap, notamment avec mes potes du groupe Symbiose avec qui on a sorti un album (Prophétie, ndlr) en 1997. C’est la même année que j’ai sorti mon 1er EP House sous le nom de Demon (A-Typique, ndlr). J’ai continué à faire des instrus pour des groupes comme 113, La Rumeur, Mafia K’1 Fry, Specio.

Comment Jérémie est devenu Demon ?

C’est un nom que j’ai choisi pour mon premier EP plutôt dans la légèreté et l’insouciance des moteurs de recherche qui n’existaient pas. Je voulais un nom Français et international en même temps. L'idée, c’est les démons que l'on a en chacun de nous, une sorte de présence dans la musique aussi.

Sur quelles machines composais-tu ?

Dans ma chambre, majoritairement avec un sampler E-MU (une tuerie) et le logiciel Cubase sur Atari ST. Le tout sous un tas de zips, de disquettes, de vinyles et de cassettes DAT.

Tu as fondé, en 1997, le label 20000st. D'où vient ce nom ?

Le nom vient de 20000 Lieues Sous Terre. C’était le nom d'une une soirée que les fondateurs du label avaient organisée. Le label n’existe plus depuis 2005.

Etienne de Crécy et Alex Gopher : les "Parrains" de Demon. DR

"Je suis en manque de vrais albums de House aujourd'hui..."

Pourquoi cette orientation "House" avec le premier EP A-Typique ?

Au départ, je ne connaissais personne qui faisait du son. C’est un pote qui achetait plein de vinyles qui m’a fait découvrir la House du moment, notamment Française. C’était le même artisanat que le Hip Hop, avec les samples et le côté organique. Ce premier disque regroupe mes 5 premiers morceaux de musique electro, une expérimentation totale pour moi, d’où la fraicheur qui en émanait je pense.

Comment as-tu rencontré Etienne de Crécy et Alex Gopher qui participent à ce premier album ?

J'ai rencontré les mecs de Solid (le label développé par Etienne de Crécy, Alex Gopher et Pierre-Michel Levallois, ndlr) très rapidement. C’est Alex Gopher qui masterisait mes premier tracks au studio Translab. On a vite accroché et mon univers était proche du leur. Ils m’ont vachement aidé, voir parrainé notamment en apparaissant sur l’album. Etienne de Crécy m’a même prêté pendant longtemps ma première table de mixage de studio. C'était celle de Superdiscount , avec les stickers dessus. La classe !

A-t-il été déclencheur de l’envie de faire Midnight Funk ?

Oui bien sûr. Je ne peux cacher à personne que mon album de référence de l’époque était celui de Motorbass ("Pansoul" composé par le duo Etienne de Crécy - Philippe Zdar en 1996, ndlr). En plus des productions de Solid, il y avait aussi Daft Punk, I:Cube, Air, des albums hyper cohérents qui racontaient une histoire. Je suis vraiment en manque de vrai albums de House aujourd'hui.

Le "Demon" de la ville...

"Sade avait bien aimé le morceau..."

En 1999, parait donc Midnight Funk. Quelle était la couleur musicale que tu voulais imprimer à ce premier album ?

En plus de celles que je viens de citer, il y avait plein d’univers différents, le Hip Hop des 90’s, du Trip Hop, la Black Music en général, mais aussi des bouquins, des films, le mood de l’époque.

Combien de temps a-t-il fallu pour le réaliser ?

J’ai du mettre un ou deux ans à le faire dans mon Home Studio. Mais, honnêtement je n’ai pas souvenir d’avoir lutter pour le composer. Sur un premier album, tu n’as que de l’excitation et de la liberté. Tu n’en attends rien et tu te surprends toi même à chaque track.

Dans Midnight Funk, il y a cette alternance de morceaux très punchy et de plages extatiques et lentes. Tu te sens plus à l’aise sur quel rythme ?

J’aime surtout la double lecture dans la musique. J'apprécie vraiment le rythme palpitant de la musique électronique avec un pied House. Mais la magie, c’est quand cela devient un support à un truc profond, avec de la poésie, un décor, des acteurs, une histoire, de la 3D... Du relief en gros.

De nombreux samples apparaissent sur cet album. Il y a notamment un morceau de Sade, Never as good as the first time, sur The J.U.IC.E. Comment s’est fait ce choix ?

Sade, c’est ce que j’écoutais petit. J’ai même samplé directement la cassette ! Elle a été cool sur la déclaration du sample : on m’a dit qu’elle avait bien aimé le morceau.

Qui as eu l’idée du clip Regulate dont l’image sombre tranche avec l’énergie positive du titre ?

C’est le réalisateur Loïc Andrieu, on était à fond dans ce genre d’esthétique à la Chris Cunningham (Aphex Twin, Björk...)

Comment as-tu travaillé le graphisme de la pochette ?

Tous mes artworks étaient faits par H5, les graphistes entre autres du label Solid, ceux qui ont fait Superdiscount ou plus récemment Logorama, le film d’animation oscarisé en 2010. Des tueurs ! Ils ont, en quelque sorte, défini l’esthétique de toute cette génération « French Touch ». Les pistes de réflexions, c’était l'ambiance de la ville la nuit dans la lignée de tous mes précédents artworks.

Un clip à la pelle...

"Juste pour un bisou, c'était inespéré !"

En 2000, tu publies You Are My High, un morceau devenu culte depuis. Comment est venue l'idée de cet hymne et pourquoi as-tu décidé de le sortir de façon isolée ?

J’avais fini et déjà sorti l’album lorsque j’ai composé You Are My High. Je commençais une tournée avec mon Live Set. J’ai ressenti une énergie très différente du studio, un besoin viscéral de faire un track fédérateur qui serait le pic de mon Live. La musique est venue très naturellement, je baignais tellement dans cette ambiance. On l’a ensuite réintégré à l’album quand il a été réédité.

Un petit mot sur l’histoire du clip qui l’accompagne…

L’idée est venue d’un brainstorming dans les locaux du label où trônait une photo de baiser en poster, une couv' du magazine WAD (à droite, ndr). On s’est dit : Mais c’est ça ! Et bingo ! Quant au clip, il a été réalisé par le staff du label et Fabien Dufils sur pellicule et en studio ciné. C'est un plan séquence que l'on a du tourné 7 fois ! Etant donné que la vidéo est au ralenti, la musique, elle, était en accéléré pour la synchro. Du coup, l'ambiance dans le studio était, disons... très décalée.

Qui sont les deux acteurs qui s'échangent ce langoureux baiser ?

La fille c’est Draghixa, la star du porno de ma génération au collège. Le mec c’était un comédien qui s'appelait Hakim. Pour elle, le tournage était "soft" par rapport à ce qu'elle faisait avant. Mais pour lui, c'était plus difficile et émotionnel.

Jugé trop "hot", le clip était passé devant le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA). Imaginais-tu que, à la fois, la vidéo et le morceau allaient connaitre un tel succès avant même qu’ils ne sortent ?

Non, bien sur, mais en même temps tu sens monter le truc. Entre le dancefloor qui s’embrase les premières fois que tu le joues en live, puis la sortie du vinyle pour les DJ's, la radio , la télé, tout ça était bossé pendant au moins un an et demi pour arriver à en faire un futur classique. Quant à polémique, elle a énormément aidé, cela a rendu clip viral à une époque ou il n’y avait pas le web. Que cela remonte jusqu’au CSA, juste pour un bisou, c’était inespéré. Surtout qu’au final, il a été autorisé et passait à n’importe quelle heure de la journée. Tout le monde en parlait.

Nouvel album : " mon son et ma patte... "

Quels souvenirs gardes-tu de cette époque ?

Je retiens surtout l'expérience humaine, avec les hauts et les bas d'une bande de potes au départ très soudée. C'est trop riche pour être résumé. Après, artistiquement, il y avait une création mortelle en France, très enthousiasmante, c'était nouveau. On avait moins la tête dans l'ordi aussi.

Quels sont tes projets aujourd'hui ?

Je finis le mix de mon nouvel album. Entre les histoires de labels et les remises en question artistiques je n'ai pas sorti de LP depuis très longtemps et n'ai fait que des maxis "one shot" comme le dernier EP, DEMON-City. Là, j'ai un vrai album dans lequel je me reconnais à 100% et que j'ai envie de défendre. Un truc dans lequel on identifie mon son et ma patte aussi. J'ai hâte de le partager...

Interview T.G