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Tom Kan : Un expert de la French Touch illustrée

Tom Kan : Un expert de la French Touch illustrée

Tom Kan : Un expert de la French Touch illustrée

EXCLU. Daft Punk, Superfunk, Assassin, Kojak, mais aussi Etienne Daho. Durant les années 90, ce talentueux graphiste, réalisateur et photographe Franco-Japonais, a créé de nombreux et emblématiques visuels notamment pour le rap ou la musique électronique. Aujourd'hui âgé de 42 ans, il a accepté d'explorer ses souvenirs pour nous faire revivre les coulisses de ses illustres travaux.

Tom Kan : Un expert de la French Touch illustrée
"Influencé par la culture Hip Hop, j’ai commencé par le graffiti à la fin des années 80. Début 90, il a fallu choisir des études supérieures. Je me suis dirigé vers le graphisme. J’ai eu la chance d'intégrer une très bonne école, l'Esag Penninghen à Paris, dans laquelle j'ai pu apprendre un métier passionnant. Je lui suis reconnaissant de m’avoir accordé une bourse pendant deux années. Vingt ans plus tard, j’y suis retourné pour enseigner la photographie".
Capture Clip. Rockin'Squat & Supernatural.
Capture Clip. Rockin'Squat & Supernatural.

Débuts avec... Assassin (1995)

  • "Rockin'Squat m'a accordé sa confiance..."

J’étais stagiaire dans une boîte de graphisme, Autrement le Design, qui avait déjà collaboré avec Rockin’ Squat sur les pochettes précédentes (Le futur que nous réserve-t-il ? en 1992). J’y travaillais l’année de L'homicide volontaire (1995) et comme j’écoutais du Hip Hop, j'ai naturellement collaboré avec Squat. On s’est très vite bien entendu car il connaissait mon travail en graffiti. C’était une belle rencontre et le début d’une fructueuse collaboration. Squat est exigeant, mais il te laisse proposer des choses. Pour le graphisme, j’ai commencé à faire les photos du groupe, puis Squat m’ a accordé sa confiance pour réalisé le clip d’Underground Connexion avec Supernatural, un MC de New York. Je suis resté en contact avec Squat. Même si nos chemins se sont séparés, nous gardons l’un pour l’autre beaucoup d’estime. C’est une personne vraiment intègre, motivée par d’inlassables combats.

Affiche du Film. X2Nauw - Tom Kan
Affiche du Film. X2Nauw - Tom Kan

Ma 6-T Va Crack-Er de Jean-François Richet (1996)

"J'ai eu carte blanche !"

Sur le tournage d’Underground Connexion, Squat avait invité Jean-Francois Richet. Quelques années plus tard, Richet m’a proposé de créer l'identité visuelle du générique de son film Ma 6-t va Crack-Er, puis la pochette de l’album. On s’est bien entendu artistiquement.

Avais-tu des consignes ?

Non, c’était carte blanche. Je partais sur la base des photos de Xavier de Nauw et c’était ensuite facile d’habiller graphiquement cet univers. L’impact de l’affiche du film avec le plan serré sur les rangers de CRS (photo ci-contre) était assez fort. De l’affiche du film au générique en passant par les pochettes d’album et le logo Cercle Rouge, je me suis occupé du design de tout le label.

Cover 11'30.
Cover 11'30.

11’30 contre les lois racistes (Crépuscule - 1997)

  • "J'ai tout terminé dans la nuit..."

C’est un projet qui fonctionnait à l’énergie et à l’envie. Crépuscule et Cercle Rouge ont réagi rapidement pour sortir le titre. C’était aussi un prise de conscience et de parole concernant les lois « racistes » (lois Debré). Je pense que c’était la première fois en France que des artistes rap se réunissaient pour dénoncer une situation. Jean-François Richet m’a appelé avant de passer pour me faire écouter le titre. Il fallait réagir très vite sur cette pochette. J’avais travaillé avec la plupart des artistes sur des covers ou des clips. Je n'avais pas le temps de shooter une photo, ni même l'envie d’utiliser un visuel "Cercle Rouge". J’ai improvisé la pochette en découpant des typos puis en jouant avec une photocopieuse et du scotch. Je crois que j’ai fait la « cover » dans la soirée et que j’ai terminé toute la pochette dans la nuit.

Front / Back de Burnin' pour Daft Punk
Front / Back de Burnin' pour Daft Punk

Daft Punk - Burnin' (Virgin - 1997)

"Ils m'ont laissé faire un visuel inspiré de l'univers du cinéma..."

Seb Janiak, réalisateur, venait de terminer le tournage du clip à Chicago. Il restait peu de temps pour faire le visuel avant la sortie du LP car le titre commençait à prendre en radio. Pedro Winter & les Daft m’ont laissé faire un visuel inspiré de l’univers du cinéma. En clin d’oeil, ça ressemblait aussi aux pochettes de « laser-disc » des années 90. Je n’ai jamais retravaillé avec eux après leur ascension. Il faut savoir que le travail sur les pochettes de musique électroniques correspondait à une époque. Des labels émergeaient hors des maisons de disques traditionnelles. A Paris, des salles programmaient de la House, de la Techno. J’ai commencé par des flyers (le Cithéa ou le What's Up Bar), puis des pochettes de EP et celles d'albums. Le travail visuel était totalement libre avec l’essor de nouveaux styles selon l’identité des labels ou celle des groupes avec des graphistes comme H5, Alex Courtès ou Geneviève Gauckler. Le Musée des Arts Décoratifs (Paris) a consacré une exposition sur la « French Touch » (2012) autant sur le graphisme que la vidéo. Je regrette que les Daft Punk n’aient pas participé a cette exposition ou prêté des visuels. Malgré la présence du label Ed Banger (et de Pedro) leurs pochettes manquaient ainsi que leurs identités visuelles et bien sûr leurs casques.

Typo et Visuel pour Etienne Daho.
Typo et Visuel pour Etienne Daho.

Etienne Daho - Singles (Best-Of, Virgin - 1998)

  • "Je suis arrivé sur ce projet en outsider..."

J’avais déjà bossé sur pas mal de pochettes de disques mais surtout en hip-hop. C’est Emma, la directrice image de Virgin à l’époque qui était venu me chercher. Plusieurs boîtes et graphistes avaient bossé sur le visuel de l’intégral d’Etienne Daho. Ni Emma, ni Etienne n’étaient satisfaits du résultat. J’arrivais en « outsider ». Après avoir consulté toutes les photos du shooting qui étaient des portraits en plan serré, j’en avais trouvé une qui avait retenue mon attention. Etienne courait face à l’objectif en contre plongée. C’était le seul plan large… Je me disais que pour faire la différence avec toutes ses autres cover d’album et pour marquer le coup pour son intégrale, il fallait partir d’un cadre différent. En regardant la photo, j’étais frappé par l’idée du visuel qui rappelait celui de La Mort aux trousses d'Alfred Hitchcock (1959). Ensuite, il me restait à trouver un avion pour l’arrière plan. J’ai incrusté un Boeing 747 qui incarnait l’esprit « eighties » de la carrière d’Etienne. Je trouvais que l’univers du voyage, de la « Business Class » correspondait assez bien avec l’image chic et dandy d’Etienne Daho. Ensuite, tout l’univers graphique des aéroports et des étiquettes de valises étaient un prétexte graphique très riche pour toutes les déclinaisons visuelles, pochettes, pubs etc… J’abordais aussi un nouveau style graphique inspiré du travail des graphistes Anglais plus « techno » et épuré (Designer Republic).

Cover Crime In The City / Kojak et logo Pro-Zak Trax.
Cover Crime In The City / Kojak et logo Pro-Zak Trax.

Kojak - Crime In The City (Pro-Zak Trax - 1999)

"Avec eux, je parlais d'ambiance Polars 70's, de rues et de voitures..."

Le travail avec le label Pro-Zak a commencé avant la pochette des Daft Punk. J’ai rencontré Alex Lamarque, Emmanuel Claude et Cyril Lascaud, les fondateurs de Pro-Zak Trax (1994) lorsque je travaillais avec Assassin. Alex Lamarque avait fait la photo d’une des pochettes d’Assassin. Ils étaient passés chez Autrement Le Design pour terminer une pochette réalisée par Aurèle (Lost Dog). J’avais un univers graphique qui leur plaisait on a terminé le travail ensemble. C’était le début de notre collaboration. Pour l’album Crime in the City, j’ai retravaillé des photos d’Alex Lamarque qu’il avait prises dans les années 80 aux Etats-Unis toujours dans un registre très cinématographique. C’est un album que j’ai beaucoup apprécié.

Tu as créé, à la fois, le logo du groupe, mais aussi celui du label...

J’avais rencontré Greg, Jayhem et DJ Vas via Pro-Zak Trax. On parlait ambiance de polars seventies, de rues, de voitures… Le logo est venu du choix typographique du nom Kojak : une typo épaisse surtout utilisée en titrage de film, j’ai gardé le « K ». Puis, en pensant aux trois entités différentes qui constituaient le groupe, j’ai dessiné 3 immeubles d’un même block. Au début, les immeubles étaient beaucoup plus "statutaires" (Empire State Building / Chrisler Building), mais c’était trop pour les membres du groupes. Quant au logo du label, il s'inspire de celui d’une usine pétrochimique des années 50 qui rappelait aussi l’aspect mélange pharmaceutique du mot Pro-Zak Trax.

Front / Back / Records de Hold Up / Superfunk
Front / Back / Records de Hold Up / Superfunk

Superfunk - Hold Up (Labels / Fiat Lux - 2000)

  • " Je suis parti un week-end à New York voir les Daft mixer... "

Alain Artaud, le boss de Labels et Maya Masseboeuf m’avaient contacté pour réfléchir à l’identité visuelle de Superfunk. En rencontrant Fafa Monteco et les membres du groupe, les personnalités étaient différentes et il était difficile de cerner les envies. Nous sommes partis sur le tournage du clip de Lucky Star réalisé par Thomas Pieds avec Ron Caroll. Je prenais des photos du groupe dans la ville de Chicago pendant le tournage. Puis je suis parti un week-end à New-York pour aller voir les Daft qui mixaient dans une soirée. Le lendemain, en traversant une rue, j’ai photographié le mur aveugle de la pochette sur la 6è avenue. Dans le fil des discussions avec le groupe, on a parlé de graffitis, de P- Funk. C’est comme ça que j’ai dessiné le logo puis j’ai retouché la photo pour intégrer le logo sur le mur. Toutes les photos internes proviennent du voyage à Chicago.

Je suppose que tu as proposé plusieurs pistes de réflexions graphiques ?

Je me souviens que la toute première idée était d’écrire Superfunk avec des blocks d’immeubles vus du dessus qui formaient les lettres (comme une ancienne pochette du groupe Chicago). En déjeunant avec un des membre du collectif H5 qui étaient mes voisins, il m’avait confié qu’ils travaillaient sur la pochette de l'album Midnight Funk de Demon avec la même idée. J’ai laissé tombé car leur visuel était déjà bien avancé et je trouvais qu’il y avait trop de lettres dans le mot Superfunk. Ensuite, avant d’aboutir à la typo Superfunk que l'on connait, j’ai travaillé sur plusieurs pistes. Quand j’y repense, il y avait de très belles choses…

Ces trois pochettes ont un point commun évident. La typographie semble être pratiquement la même. C’est ta marque de fabrique ?

Je pense que ça correspond aussi aux sources d’inspiration des groupes. Les thèmes d’un groupe à l’autre étaient redondants : la ville, les rues, le cinéma, le graffiti, une culture urbaine visuelle et musicale aux racines Américaines… Il faut voir les pochettes suivantes pour comprendre la différence visuelle entre les groupes. Pour Superfunk, ce sera la course automobile sur la pochette de Last Dance (And I Come Over), pour Kojak, les rues graphiques ou le Ghetto Blaster

Projet 10 000 Hz Legend - Air.
Projet 10 000 Hz Legend - Air.

Air - 10000 Hz Legend (Visuel non publié - 2001)

"Difficile, à l'époque, de travailler des rendus satisfaisants sur des visuels print..."

J’ai travaillé avec Ora-Ito sur la pochette de l’album. Son idée était superbe. Il s’agissait de dessiner une villa imaginaire où les musiciens travaillaient. Dans les vues en perspectives, les lettres AIR formaient différentes parties de la villa, terrasse, corps de maison, piscine etc… L’idée était vraiment bonne mais à l’époque il était difficile de trouver des ressources pour travailler en modélisation et travailler des rendus de manière satisfaisante sur des visuels print.

Quelle est la pochette dont tu es le plus fier ?

Elles ont toutes une histoire et sont toutes différentes… Difficile d’en choisir une en particulier !

Que fais-tu aujourd'hui ?

Le travail graphique et les clips que j’ai réalisés m’ont permis de signer de nombreuses campagnes photos et des films publicitaires en tant que réalisateur, c’est devenu mon activité principale. Je travaille aussi sur des projets comme des génériques de films (Enter the Void de Gaspar Noé) qui me permettent de jouer à la fois avec de l’image et avec des typos. J’ai aussi bossé pour les Etats-Unis sur les films des Wachowski (Lana et Andy) comme Matrix, Speed Racer (via BUF Compagnie) ou Cloud Atlas comme graphiste. Récemment, j’ai passé 3 mois à l’étranger comme conseiller technique et artistique sur un long métrage. Les « covers » de disques et les clips me manquent, mais une journée ne compte que 24 heures !

Interview T.G