La quintessence de la techno de Detroit regroupée en une seule et même œuvre. Magique, mélodieuse, rythmée et surtout déclencheur d’un voyage imaginaire à travers les continents. Il fallait donc un sorcier pour mener à bien cette mission en tout point réussie. Il en avait déjà le surnom à ses débuts. Depuis, il en maitrise les rouages, en façonne les recettes, en exerce le talent et bien sûr... les pouvoirs. Ceux de faire basculer l’auditeur dans une spirale spatio-temporelle capable de dématérialiser son environnement immédiat. Même le titre de ce disque, symbole d’une véritable apogée stylistique en matière de sonorités caressantes, évoque le mystère et l’intrigue. Tout en demeurant éminemment rassurant et protecteur. Every Dog Has Its Day, littéralement « Chaque chien à sa journée » et par extension, "tout le monde peut être heureux et réussir à un moment de sa vie"… Cette mise en place d’une philosophie positive par le média électronique est signée Jeff Mills, longtemps baptisé « Sorcier des platines » pour son extraordinaire facilité à enchainer rapidement des disques sur ces deux voire trois platines lors de sets légendaires.
L’aventure auditive proposée par le maitre de Detroit commence en terres d’Afrique sur un Nomads of the Niger, subtilement tribal et enrobé de nappes obsédantes. Il se poursuit par une parenthèse hors du temps (Now Is The Time) étirée par la voix vaporeuse de Belinda Jenkins sur des kicks sourds et métronomiques, signature indélébile des compositions de Jeff Mills. L’humeur change ensuite avec le chaleureusement nommé Moody et ses effets cuivrés, prétexte paradoxal à une immersion glaciale en compagnie du Dr Ice. Le voyage conventionnel reprend enfin son cours. Ponctuellement. Direction le Portugal avec The Algarve, soit 4 minutes et 30 secondes d’une mélopée lancinante et hypnotisante. Sublime. Ca plane vraiment pour nous surtout lorsque Flying, un titre aux contours intrigants et ambient vient taper le tympan. La terre s’éloigne encore de notre champ de vision, on prend de la hauteur (Arcadia), de l’altitude (Walking Still).
Jade nous accueille, Jeff Mills nous propose une visite de Paris. Place de la Bastille, plus précisément. Le compositeur l’évoque tout en ligne de basses et charleys diffus. Quelques nappes que l’on croit destructurée participent à la construction mentale d’un paysage à la fois apocalytique et joyeux. Bien vu. On quitte la France quelques minutes plus tard pour se remettre en mode « espace » et atteindre Mercure (Mercury’s Dowfall). Déconnecté, il faut bien le rester pour humer l’ambiance des rues de Tokyo dans lesquelles Mills nous lâche avec délice. En immersion dans le quartier animé de Shibuya (Shibuya – Ku), véritable poumon de la capitale Nippone, tout n’est que sentiments de naïveté et de bien-être malgré l’agitation. Ouverte sur le Pacifique, l’île Japonaise nous connecte à un monde aquatique (Pacific State of Mind) baigné de sourires répétés éclairés par des carillons bondissants et quelques accords de piano Chicagoans.
On frôle l’extase. D’autant que Mills continue de cultiver ses allers-retours incessants entre la Terre et l’Espace (Asteroïd), entraînant l’auditeur dans ses spirales mélodiques. Evoquée pour le décollage, l’Afrique fera aussi office de piste d’atterrissage (Nights Of Africa) sur le somptueux « Techno Trip » aussi fin qu’une bulle de champagne. Pour preuve, cette « outro » d'une vingtaine de secondes qui résument à elles seules la magie et la puissance des machines domptées par Jeff Mills. With, avec… Un disque dont vous êtes bien plus qu’un auditeur. Un passager finalement. T. G
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