Pourquoi donc ne dure-t-il pas plus longtemps ? Un morceau aussi beau, solaire, expressif, intemporelle, qui s’adapte à toutes sortes de feelings, états d’esprits, humeurs. Seulement deux petites minutes et trente-et-une secondes que l’on souhaiterait sans fin, ou du moins que l’on espérerait étalée dans le temps. Mike Sandison et Marcus Eoin, deux frères écossais férus de musicalité et expérimentateurs hors pair depuis leur plus jeune âge, font partie de ces duos qui fascinent par leur aptitude à transcender nos oreilles, nos sens, notre imagination...
Enfants, ils avaient pour habitude de regarder les documentaires de la National Film Board of Canada. Et s’amusaient à découper des bandes (magnétiques, évidemment), d’y placer des samples et d’y ajouter leurs propres compositions. La fratrie a fait partie de nombreux groupes avant de se résoudre à rester en famille. Marcus et Mike ont notamment intégré Hexagon Sun, un collectif écossais pour lequel ils se sont baptisés… Boards of Canada. Un pseudonyme (ils ont aussi utilisé plus rarement celui de Hell Interface, ndlr) qui renvoie désormais à une imagerie mystérieuse, à la fois intrigante et protectrice.
A l’image de ce fameux Roygbiv donc. Piste B10 du pressage vinyle du génialissime Music Has Right To Children publié en 1998 par le très réputé label anglais Warp basé à Londres, cette plage de sable blanc qui iradie le tympan parvient à faire surgir dans nos contrées neuronales des paysages fantasmagoriques. Un arc-en-ciel de sonorités ouateuses où l'auditeur aime se perdre. Ces couleurs justement, elles viennent d'abord du choix du titre. "Roygbiv" est l'acronyme d'une séquence de dégradés chromatiques. ROY pour Red, Orange, Yellow, G. pour Green et BIV pour Blue, Indigo & Violet...
Roygbiv s'ouvre donc sur des colorations musicales martiales, un clavier aux notes graves et lourdes qui annonce un titre sombre. Il n'en est rien. Car si la rythmique Hip Hop qui suit peut appuyer ce côté hostile, les étincelles vocales combinées aux arpèges qui surgissent après 50 secondes de fausse piste font entrer ce Roygbiv dans un incroyable tunnel de bien-être. Un corridor sonore de divagations musicales. Une claque de toute beauté. Quand la musique parvient à ce niveau de maitrise émotionnelle, elle devrait être prescrite par le corps médical. Mais attention à ce qu'elle ne devienne pas à son tour une drogue (sonore) dure. Qui finalement peut humainement résister à l'addiction provoquée par cette séquence de deux (petites) minutes et trente-et-une secondes ? La faute à cette maudite durée qui nous fait éprouver un manque immense... T.G
A consommer sans modération
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